Grey – II.3 – Les Voiles écarlates
Алые паруса – Les voiles écarlates
Грэй (II.3) Grey
Он умер, как только начали сбивать обручи, от разрыва сердца, — так волновался лакомый старичок. С тех пор бочку эту не трогают. Возникло убеждение, что драгоценное вино принесёт несчастье. В самом деле, такой загадки не задавал египетский сфинкс. Правда, он спросил одного мудреца: «Съем ли я тебя, как съедаю всех, скажи правду — останешься жив», но и то по зрелом размышлении…
— Кажется, опять каплет из крана, — перебивал сам себя Польдишок, косвенными шагами устремляясь в угол, где, укрепив кран, возвращался с открытым, светлым лицом. — Да. Хорошо рассудив, а главное, не торопясь, мудрец мог бы сказать сфинксу: «Пойдём, братец, выпьем, и ты забудешь об этих глупостях». — «Меня выпьет Грэй, когда будет в раю!» — Как понять? Выпьет, когда умрёт, что ли? Странно. Следовательно, он святой, следовательно, он не пьёт ни вина, ни простой водки. Допустим, что «рай» означает счастье. Но раз так поставлен вопрос, всякое счастье утратит половину своих блестящих пёрышек, когда счастливец искренне спросит себя: рай ли оно? Вот то-то и штука. Чтобы с лёгким сердцем напиться из такой бочки и смеяться, мой мальчик, хорошо смеяться, нужно одной ногой стоять на земле, другой — на небе. Есть ещё третье предположение: что когда-нибудь Грэй допьётся до блаженно-райского состояния и дерзко опустошит бочечку. Но это, мальчик, было бы не исполнение предсказания, а трактирный дебош.
Убедившись ещё раз в исправном состоянии крана большой бочки, Польдишок сосредоточенно и мрачно заканчивал:
— Эти бочки привёз в тысяча семьсот девяносто третьем году твой предок, Джон Грэй, из Лиссабона, на корабле «Бигль»; за вино было уплачено две тысячи золотых пиастров. Надпись на бочках сделана оружейным мастером Вениамином Эльяном из Пондишери. Бочки погружены в грунт на шесть футов и засыпаны золой из виноградных стеблей. Это вино никто не пил, не пробовал и не будет пробовать.
— Я выпью его однажды, — сказал Грэй, топнув ногой.
— Вот храбрый молодой человек! — заметил Польдишок. — Ты выпьешь его в раю?
— Конечно. Вот рай!.. Он у меня, видишь? — Грэй тихо засмеялся, раскрыв свою маленькую руку. Нежная, но твёрдых очертаний ладонь озарилась солнцем, и мальчик сжал пальцы в кулак. — Вот он, здесь!.. То тут, то опять нет…
Говоря это, он то раскрывал, то сжимал руку и, наконец, довольный своей шуткой, выбежал, опередив Польдишока, по мрачной лестнице в коридор нижнего этажа.
"Eh bien, qu’en dis-tu ? dit Poldichok, en s'asseyant sur une caisse et en bourrant son nez de tabac à priser. Vois-tu ces tonneaux-là ? Il y a là-dedans un vin si délicieux que plus d'un ivrogne accepterait qu’on lui coupe la langue si on l’autorisait à en boire ne serait-ce qu’un petit verre.
"Chaque baril contient cent litres d'un nectar qui explose l'âme et lénifie le corps. Il est d’une couleur plus sombre que la cerise et si épais - comme un miel crémeux - qu’il ne coulerait pas d’une bouteille. On le tient enfermé dans ces fûts d'ébène, solides comme du fer, enserrés par de doubles cerclages de cuivre rouge. Et sur chacun il est écrit en latin : « Grey me boira quand il sera au paradis ».
« Grey me boira quand il sera au paradis », répéta-t-il songeur...
"Cette inscription a donné lieu à des interprétations si oiseuses et si contradictoires que votre arrière-grand-père, le bien-né Siméon Grey, fit construire une villa qu’il nomma ‘Paradis’, pensant ainsi innocemment concilier le mystérieux dicton et la réalité. Mais, vas-tu le croire ? il est mort dès qu'ils ont tenté de décercler un de ces barils. Ce vieil assoiffé est mort d'un arrêt du cœur, saisi par trop d’émotion !
"Depuis, plus personne n’a touché à ces tonneaux, continua Poldichok. La croyance s’est installée que ce vin si précieux apportait le malheur. En effet, même le Sphinx égyptien n’a jamais posé pareille énigme ! Certes, il a demandé au sage : « Vais-je te manger comme je mange tout le monde, dis la vérité et tu auras la vie sauve ! », mais même alors après mûre réflexion…"
Poldichok s'interrompit : "Il me semble que ça goutte encore là-bas…" Et il s’élança d’un pas trébuchant vers le coin où se trouvait le grand fût, puis en revint, après avoir bien resserré la bonde, l’air réjoui et tout souriant.
"...Oui. Après avoir bien raisonné, et surtout sans précipitation, le sage aurait pu répondre au Sphinx : « Viens, frère, buvons, et tu oublieras toutes ces fadaises. »...
"« Grey me boira quand il sera au paradis ! » Comment interpréter cela ? Le boira-t-il quand il sera mort, ou quoi ? Voilà qui est bien étrange. Si c’est le cas, c’est un saint homme parti au Ciel, et par conséquent… qui ne boit pas de vin, ni même de la simple vodka.
"Imaginons aussi que ‘le paradis’ signifie ‘le bonheur’, réfléchit Poldichok. Mais le souci, dit comme ça, c’est que l’ange du bonheur perdrait la moitié de ses plumes lorsque l'heureux élu se demanderait lucidement : est-ce vraiment ça le Paradis ?...
"Voici la chose : pour boire à un tel tonneau avec le cœur léger il faut en rire, mon garçon, et pour bien boire et bien en rire, le mieux est de garder un pied sur Terre et d’avoir l'autre déjà au Ciel.
"… Enfin, il y a une troisième hypothèse, surenchérit le sommelier : c’est qu'un jour Grey boive jusqu'à l’extase et vide entièrement le tonneau. Mais ceci, fiston, ne serait en aucun cas l'accomplissement de la prédiction mais seulement une banale beuverie d’ivrogne…"
S'étant convaincu une fois de plus que la bonde du grand fût de chêne ne fuyait pas, Poldichok acheva sa tirade avec gravité : "Ces tonneaux-là ont été rapportés en 1793 par votre aïeul, John Grey, de Lisbonne, sur un navire qui s’appelait Le Beagle ; deux mille piastres d'or furent payées pour ce vin. Les inscriptions furent gravées par l'armurier Benjamin Elian de Pondichéry. Depuis ils reposent ici, six pieds sous terre, recouverts de cendres de ceps de vigne. Ce vin n'a jamais été bu par personne ni même goûté et ne le sera jamais…"
"Et moi, un jour, je le boirai !" dit Grey en frappant du pied pour s’en convaincre.
"– Voilà un jeune homme bien courageux ! releva Poldichok. Le boiras-tu au paradis ?
– Bien sûr, répondit Grey : le paradis, le voici, regarde !"
Et il rit doucement en ouvrant sa main. Un rayon de soleil illumina sa petite paume : "Le voici, ici : là il y est…" Puis brusquement le garçon replia ses doigts et montra le poing. "Là, il n’y est plus…"
"Là, de nouveau il y est…, et de nouveau il n’y est plus !" En disant cela, plusieurs fois il ouvrait, puis refermait sa main.
Satisfait de sa plaisanterie, il courut devant Poldichok et prit le sombre escalier qui menait à l’étage...