IIya Varchavsky – Les fourberies de Cupidon (02)

­Проде́лки Аму́ра - Les fourberies de Cupidon

Второ́й эпизо́д - Episode deux

Petites nouvelles russes - Liebfraumilch
Liebfraumilch

Зака́зывая у сто́йки моро́женое, Филимо́н Оре́стович обрати́л внима́ние на буты́лку с на́дписью на этике́тке, испо́лненной готи́ческим шри́фтом.

— Либ… фра́у… мильх, — с трудо́м прочёл он на́дпись. — Что э́то тако́е?

— Неме́цкое полусла́дкое. Молоко́ люби́мой же́нщины, — улыбну́лась продавщи́ца. — Нали́ть?

— Нале́йте стака́нчик, — сказа́л заинтриго́ванный Филимо́н Оре́стович.

Вино́ оказа́лось на ре́дкость прия́тным. Филимо́н Оре́стович реши́л повтори́ть.

Вы́йдя из кафе́, он почу́вствовал удиви́тельный прили́в сил. Тротуа́ры были́ полны́ прогу́ливающейся молодёжи, сплошь симпати́чной и благожела́тельно настро́енной. Со́лнце гре́ло совсе́м по-ле́тнему, под нога́ми прия́тно шурша́ли опа́вшие ли́стья, отку́да-то из распа́хнутого око́шка несла́сь сладча́йшая мело́дия. Сло́вом, то́лько тупо́й, мра́чный меланхо́лик мог в тако́й день торча́ть в о́череди у око́шка инкасса́торского пу́нкта.

Филимо́н Оре́стович сдвину́л на́бок шля́пу и, подкрути́в усы́, напра́вился похо́дкой фланёра куда́ глаза́ глядя́т.

На перекрёстке моло́денькая продавщи́ца протяну́ла ему́ буке́тик:

— Купи́те ва́шей де́вушке.

Филимо́н Оре́стович усмехну́лся. «Ва́шей де́вушке». Заме́тьте, она́ не сказа́ла «ва́шей жене́». «Ва́шей де́вушке»! Растро́ганный, он суну́л продавщи́це три рубля́ и небре́жно махну́л руко́й: мол, сда́чи не на́до, что за пустяки́!

Пра́вда, буке́т не́сколько стесня́л свобо́ду движе́ний, и Филимо́н Оре́стович броси́л его́ в у́рну пе́ред тем, как купи́ть па́чку сигаре́т. Он с наслажде́нием закури́л. Почу́вствовав при э́том ле́гкое головокруже́ние, он поду́мал, что все врачи́ шарлата́ны и обма́нщики. Сами́ небо́сь ку́рят, а други́м не веля́т. Вот де́сять лет не кури́л, а тепе́рь от пе́рвой затя́жки закружи́лась голова́. Нет, ду́дки! Бо́льше его́ на э́ту у́дочку не пойма́ют. Отны́не он опя́ть бу́дет кури́ть, потому́ что э́то поле́зно. Изле́чивает от ожире́ния. А то вон како́й живо́т стал. Вообще́, ну́жно бо́льше обраща́ть внима́ния на свою́ вне́шность. У́тренняя заря́дка и деся́ток сигаре́т в день — любо́й ста́нет стро́йным, как то́поль.

Рассужда́я всё в тако́м ду́хе, Филимо́н Оре́стович незаме́тно дошёл до зоологи́ческого магази́на. Он хоте́л бы́ло прицени́ться к канаре́йкам, но тут его́ осени́ла но́вая иде́я. На витри́не в про́волочной кле́тке сиде́ли два восхити́тельных попуга́йчика. Филимо́н Оре́стович поду́мал, как здо́рово бы́ло бы научи́ть их разгова́ривать по-неме́цки. «Либфрауми́льх» и ещё что-нибу́дь вро́де «гу́тен мо́рген». Вот Варва́ра Степа́новна удиви́тся! Бу́дет хва́стать всем знако́мым: мол, у нас да́же пти́цы по-неме́цки говоря́т. «Либфрауми́льх», моло́ко люби́мой же́нщины. Да́же в ци́рке мо́жно пока́зывать.

Сказа́но — сде́лано! Че́рез пять мину́т Филимо́н Оре́стович вы́шел из магази́на, бе́режно неся́ про́волочную кле́тку. Тут, подведя́ ито́г расхо́дам, он убеди́лся, что сего́дня идти́ в сберка́ссу ужé совсе́м нет смы́сла, бла́го послеза́втра пе́нсия, мо́жно возмести́ть растра́ту, а нача́вшийся так великоле́пно день сле́дует досто́йно заверши́ть.

Petites-nouvelles-russes - Topor

En commandant une glace au comptoir, l'attention de notre héros fut attirée par l'étiquette d’une bouteille portant une inscription écrite en caractères gothiques, inscription qu’il tenta avec difficulté de déchiffrer :

- ‘Lieb... frau... milch’... C’est quoi ?

- Un vin allemand, demi-doux¹. ‘Le lait de la bien-aimée’, lui répondit avec un sourire la serveuse. Je vous en sers un verre ?

- Juste un p’tit, acquiesça Philémon, curieux.

Le vin se révéla, ma foi, fort plaisant en bouche. Et il décida d’en reprendre un autre, juste un p’tit.

En quittant le bistrot, il sentit monter en lui une incroyable bouffée d'énergie. Le long des trottoirs flânaient des groupes de jeunes gens, tous sympathiques et bienveillants. Le soleil comme en plein été lui réchauffait l’échine ; les feuilles tombées des arbres bruissaient doucement sous ses pas, et de quelque part, venue d’une fenêtre ouverte, se faisait entendre la plus douce des mélodies. En un mot, par une telle journée, seul un être mélancolique, morne et sans joie aurait eu idée d’aller faire la queue au guichet d’une caisse d’épargne.

Philémon Orestovitch bascula son chapeau sur un coin d’oreille, frisotta sa moustache et se laissa emporter d'un pas tranquille là où ses yeux l’invitaient.

Au carrefour, une jeune marchande des rues lui proposa un bouquet :

- Pour votre amoureuse, dit-elle.

Philémon eut un sourire malicieux : « "Pour mon amoureuse" ! Remarquez qu'elle n'a pas dit "pour votre épouse"… "Votre amoureuse" ! » Tout ému, il glissa trois roubles à la vendeuse et fit nonchalamment un geste de la main : « Gardez la monnaie ! »

Certes, le bouquet l’encombrait quelque peu et Philémon ne tarda pas à le glisser dans une poubelle puis décida de s’acheter un paquet de cigarettes.

C’est avec un plaisir certain qu’il aspira la première bouffée. Se sentant légèrement étourdi, il se dit que tous les médecins étaient décidément des charlatans et des escrocs. « Ils fument probablement eux-mêmes, mais veulent en priver les autres. Je n'ai pas fumé depuis dix ans, et maintenant voici que j'ai la tête qui tourne. Au Diable leurs pipeaux ! ». Et il se jura qu’on ne l’y prendrait plus : désormais, il fumerait à nouveau. « Fumer est bon pour la santé et prévient l’obésité, se convinquit-il. Regardez-moi ce ventre ! Il est grand temps que je prenne soin de ma ligne : quelques exercices de gymnastique matinale, une petite dizaine de cigarettes par jour, et avec ça n'importe qui redevient svelte, élancé comme un roseau ! »

Tout en argumentant et s’auto-persuadant, notre Philémon atteignit imperceptiblement la boutique aux oiseaux. Il désirait se renseigner sur le prix des canaris jaunes, mais une nouvelle idée germa dans son esprit. Derrière la vitrine, dans une cage grillagée se pavanait un couple d’adorables perruches. Philémon pensa à quel point ce serait formidable de leur apprendre à parler allemand. ‘Liebfraumilch’ et d’autres choses comme ‘Guten Morgen’. « Là, c’est sûr, Varvara en serait baba ! » Et puis, il pourrait même se vanter auprès de tous ses amis : « Ne dirait-on pas chez nous que même les oiseaux parlent allemand : ‘Liebfraumilch’, le lait de la bien-aimée. Même au cirque, que je pourrais les faire parader... »

Sitôt dit, sitôt fait ! Cinq minutes plus tard, Philémon Orestovitch quittait le magasin, portant précautionneusement une cage garnie de deux perruches. Ici, faisant le résumé de ses dépenses, il convint qu’il ne lui servait absolument à rien de se rendre à la caisse d’épargne. Sa pension de retraite arriverait le surlendemain, et il se dit qu’il y puiserait pour régler le loyer ; et enfin, conclut-il : « Un si magnifique début de journée doit se poursuivre tout aussi agréablement... »

1- Il s’agit ici du ‘Liebfraumilch’, un vin blanc allemand. Liebfraumilch signifie « lait de la femme aimée » ou « lait de la Vierge Marie ».