Ilya Varchavsky – La boutique des rêves (09)

Petites nouvelles russes - Klint
Gustav Klimt, Baby (Wiege) 1917,1918.

Илья Варшавский - Ilya Varchavsky
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Ла́вка Сновиде́ний - La Boutique des Rêves­

Девя́тый эпизо́д - Episode neuf

Всю э́ту исто́рию мне рассказа́л У-И, когда́ я прилете́л в дли́тельную командиро́вку.

Мы сиде́ли ве́чером в Ла́вке Сновиде́ний. Передо мно́й красова́лась жёлтая «о́ки-о́ки», кото́рой я собира́лся наслади́ться по́сле на́шей бесе́ды, а У-И с Ю-А воздава́ли до́лжное содержи́мому моего́ портсига́ра. На столе́ стоя́ла уже́ наполови́ну пуста́я буты́лка, из-за кото́рой у меня́ бы́ли кру́пные неприя́тности с междунаро́дной тамо́жней, и три окамене́вших цветка́ ли́лии, заменя́ющие на Вене́ре стака́ны.

Сло́вом, всё располага́ло к задуше́вному разгово́ру, но мне почему́-то каза́лось, что У-И что-то скрыва́ет. О́чень стра́нным та́кже бы́ло равноду́шие, с кото́рым он при́нял мой пода́рок — по́лную адапти́рованную се́рию «Похожде́ний Бурати́но». Я знал, что э́ти кни́жки ещё не́ были в кио́ске До́ма Дру́жбы.

— Ну хорошо́, — сказа́л я, — но мне всё-таки непоня́́тно, почему ты снял звоно́к.

— Звоно́к? — У-И ло́вко вы́пустил де́сять коле́ц и наниза́л их на то́нкую стру́йку ды́ма. — Почему́ я снял звоно́к?

— Да, почему́ ты снял звоно́к, — подтверди́л я.

— Ви́дишь ли, — взор У-И был мечта́тельно устремлён в потоло́к, — сейча́с мно́го покупа́телей. Тури́сты. Сня́тся им вся́кие чудо́вища, а звоно́к о́чень гро́мкий, вдруг он разбу́дит како́е-нибу́дь страши́ло?

— У-И, — я вновь напо́лнил стака́ны из пуза́той буты́лки, — ты меня́ давно́ зна́ешь, У-И?

— Давно́.

— Мо́жет быть, ты тогда́ бу́дешь со мной вполне́ открове́нным? Я ведь прекра́сно зна́ю, что чудо́вища не ку́рят калья́ны. Скажи́ мне лу́чше всю пра́вду, а то ты меня́ о́чень обижа́ешь.

У-И пригу́бил стака́н и, зажму́рив оди́н глаз, ли́знул ты́льную сто́рону руки́, что по венериа́нскому этике́ту означа́ло вы́сшую сте́пень призна́тельности за угоще́ние.

— Всю пра́вду?.. Де́ло в том, что Гаянэ́… Она́ была́ бы хоро́шей жено́й. Но там есть ещё одна́ стару́ха… её мать. Она́ ве́чно суёт свой нос, куда́ не ну́жно… Ка́жется, уже́ всё проню́хала. Бою́сь, что́бы не заяви́лась сюда́ жить. Нет, — доба́вил он, помолча́в, — пусть уж лу́чше малыша́ воспи́тывает венериа́нка.

— И он вы́растет ма́гом снов, — доба́вил ве́рный Ю-А.

Petites nouvelles russes - Les eunuques du palais

Toute cette histoire m'avait été racontée par Wu-Y lui-même alors que je revenais sur Vénus pour une longue mission.

Nous étions assis ce soir-là à l’intérieur de la Boutique des Rêves. Devant moi était posé un ‘oki-oki’ aux reflets dorés que je m’apprêtais à savourer dès la fin de notre conversation, tandis que Wu-Y et Yu-A s’extasiaient devant le contenu de mon étui à cigarettes. Sur la table trônaient trois fleurs de lys pétrifiées - qui chez les Vénusiens font office de verres -, et une bouteille déjà à moitié entamée ; bouteille qui m'avait causé de gros ennuis lors de mon passage en douane.

En un mot, tout était propice à ouvrir nos cœurs, mais, pour une raison que j’ignorais, il me semblait que Wu-Y me cachait quelque chose. Ainsi, avais-je trouvé très étrange l'indifférence avec laquelle il avait accepté mon cadeau - une série complète illustrée des Aventures de Pinocchio¹. (Je savais que cette édition ne figurait pas encore sur les rayons de la Maison de l'Amitié.)

- Eh bien, dis-je, mais je ne comprends toujours pas pourquoi tu as décroché la cloche...

- Le carillon ? Wu-Y expira habilement dix bouffées vaporeuses qui s’enfilèrent tels des anneaux ouatés sur le mince trait de fumée s’élevant de son cigare. Pourquoi l’ai-je décroché ?

- Oui, pourquoi l’as-tu décroché ? insistai-je.

- Vois-tu - le regard de Wu-Y fixait rêveusement le plafond -, il y a beaucoup de clients de nos jours. Des touristes. Ils rêvent de toutes sortes de monstres, et le carillon sonnait si fort... Et s’il nous avait réveillé quelque croque-mitaine ?

- Wu-Y..., saisissant la bouteille ventrue, je remplis à nouveau nos verres, ça fait un bail que nous nous connaissons, n’est-ce pas ?

- Depuis longtemps...

- Peut-être alors pourrais-tu faire preuve d’un peu de franchise à mon égard ? Je sais parfaitement que les épouvantails ne fument pas le narguilé. Allez, Wu-Y dis-moi plutôt la vérité, sinon je me sentirais très offensé.

Wu-Y prit son verre et avala une gorgée, et tout en fermant un œil lécha le dos de sa main, ce qui, selon l'étiquette vénusienne, signifiait son haut degré de gratitude pour la boisson que j’avais ramenée.

- Toute la vérité ?.. Le fait est que Gayane… Oui : elle aurait pu faire une bonne épouse. Mais, vois-tu, il y a là-bas une vieille... sa mère. Elle fourre son nez toujours là où il faut pas... On dirait qu'elle a déjà tout flairé, tout deviné.

…J’ai bien peur qu’elle veuille venir s’installer ici avec nous. Et ça je ne le veux pas, ajouta-t-il après une pause. Aussi je pense qu’il vaut mieux que le bambin grandisse ici, élevé par une Vénusienne.

- Et lorsqu’il sera en âge, lui aussi deviendra un grand magicien des rêves, conclut le fidèle Yu-A.

1 - L’auteur évoque peut-être ici la série des ‘Aventures de Pinocchio’ (Золото́й клю́чик, и́ли Приключе́ния Бурати́но) (1936) - adaptées par Alexeï Tolstoï (Алексей Николаевич Толстой) (1883-1945) -, et largement illustrée, qui rendit le personnage célèbre dans l’ex-URSS.