IIya Varchavsky – Les fourberies de Cupidon (01)

Petites nouvelles russes - Philémon et ses canaris
Philémon Orestovitch et ses canaris

­Проде́лки Аму́ра - Les fourberies de Cupidon
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Première partie : ‘Le lait de la bien-aimée’

Пе́рвый эпизо́д - Premier épisode

Каза́лось, ни́что не предвеща́ло полосу́ осе́нних любо́вных штормо́в в душе́ Филимо́на Оре́стовича Полосу́хина. Жил он ти́хой, разме́ренной жи́знью пенсионе́ра, отдава́я избы́ток эне́ргии благоро́дному де́лу постано́вки голосо́в у канаре́ек. На семе́йную жизнь не жа́ловался, хотя́ и бы́ло одно́ обстоя́тельство, не́сколько омрача́вшее супру́жеское согла́сие. Де́ло в том, что жена́ его́, Варва́ра Степа́новна, не люби́ла птиц в до́ме. Впро́чем, к откры́тым конфли́ктам э́то не приводи́ло. Существова́ло молчали́вое соглаше́ние, по кото́рому Филимо́н Оре́стович проводи́л уро́ки со свои́ми пито́мцами, когда́ она́ уходи́ла за поку́пками. Кро́ме то́го, все́ми санита́рно-гигиени́ческими мероприя́тиями по поддержа́нию поря́дка в кле́тках и заку́пкой кормо́в занима́лся он сам.

Так они́ и жи́ли, пока́ одна́жды Варва́ра Степа́новна не поки́нула на три дня семе́йный оча́г, что́бы погости́ть у подру́ги, жи́вшей за го́родом.

На э́ти три дня Филимо́ну Оре́стовичу бы́ло загото́влено пропита́ние и даны́ подро́бнейшие инстру́кции по веде́нию хозя́йства. В числе́ всевозмо́жных поруче́ний была́ и упла́та за кварти́ру.

В пе́рвый день своего́ соло́менного вдовства́ Филимо́н Оре́стович просну́лся по́зже обы́чного. Он свари́л ко́фе, прибра́л в кле́тках и нача́л ду́мать, как же лу́чше испо́льзовать неожи́данно свали́вшуюся свобо́ду. Стоя́ла прекра́сная осе́нняя пого́да, и он реши́л пойти́ в сберка́ссу — вы́полнить оставле́нное ему́ поруче́ние, а зате́м отпра́виться погуля́ть в парк.

Как во́дится в таки́х слу́чаях, лука́вый подстерега́л его́ уже́ в не́скольких шага́х от до́ма. На э́тот раз он приня́л о́блик обольсти́тельной красо́тки в дезабилье́, призы́вно взгляну́вшей с рекла́много плака́та кинотеа́тра. Очаро́ванный э́тим взгля́дом, Филимо́н Оре́стович реши́л отложи́ть похо́д в сберка́ссу и купи́л биле́т на ближа́йший сеа́нс.

То́нкий знато́к челове́ческой нату́ры, вероя́тно, отме́тил бы стра́нное состоя́ние душе́вного томле́ния, с каки́м наш геро́й поки́нул зри́тельный зал. Э́то состоя́ние походи́ло на инкубацио́нный пери́од тяжёлой и опа́сной боле́зни. Кова́рный ви́рус вспыхну́вших неудовлетворённых жела́ний уже́ де́лал своё де́ло, грозя́ в бу́дущем вы́звать настоя́щий любо́вный жар. Вне́шне же э́то пока́ проявля́лось лишь в повы́шенной рассе́янности, с како́й Филимо́н Оре́стович взира́л на окружа́ющий мир.

Мо́жет быть, имму́нно-биологи́ческие си́лы органи́зма и победи́ли бы в борьбе́ с э́тим ви́русом, е́сли бы про́чие обстоя́тельства не сплели́сь в еди́ный дья́вольский клубо́к.

Во-пе́рвых, сберка́сса оказа́лась закры́той на обе́д, во-вторы́х, Филимо́н Оре́стович реши́л пережда́ть в кафе́, пока́ она́ откро́ется, а в-тре́тьих… Впро́чем, дава́йте уж всё по поря́дку, без изли́шней торопли́вости.

Petites-nouvelles-russes - Topor

Climatiquement, rien ne laissait présager dans l'âme de Philémon Orestovitch¹ un épisode automnal de tempêtes amoureuses. Il menait une vie calme et mesurée de retraité, consacrant son excédent d’énergie à une noble cause : bonifier le chant mélodieux de ses canaris.

Il ne se plaignait pas de sa vie de couple, même si une chose assombrissait quelque peu l’harmonie du ménage : sa femme, Varvara Stépanovna², ne voulait pas d’oiseaux à la maison. Cependant, ce petit nuage n’avait jusqu’alors provoqué entre eux aucun conflit ouvert. Un accord tacite existait selon lequel Philémon Orestovitch se bornait à enseigner le chant à ses petits protégés que lorsque son épouse sortait faire les courses. De plus, il s’occupait d’acheter lui-même leurs graines et prenait personnellement toutes les mesures prophylactiques et hygiéniques nécessaires à la propreté de leur cage.

C’est ainsi que madame et monsieur vécurent en bonne entente jusqu'au jour où Varvara Stépanovna dut s’absenter du foyer conjugal trois jours durant pour s’en aller rendre visite à une amie vivant à la campagne.

En son absence, elle avait laissé à son cher époux des petits plats tout faits et une série d’instructions détaillées sur la façon de tenir la maison. Parmi ces différentes instructions figurait, entre autres, le paiement du loyer.

Le premier jour de son veuvage de paille, Philémon Orestovitch se réveilla plus tard que d’ordinaire. Il se prépara un café, s’occupa de l’entretien de ses cages et commença à réfléchir à la meilleure façon d'utiliser cette liberté inattendue, comme tombée du ciel. C'était un beau jour d'automne, et il décida de passer d’abord à la caisse d’épargne pour s’acquitter de la tâche qui l’incombait – à savoir régler le loyer -, avant que d'aller faire un tour au parc.

Comme il arrive souvent dans de pareils cas, le Malin déjà guettait à l’affût, juste à quelques encablures de la maison, cette fois-ci, sous la forme d'une séduisante beauté en déshabillé, tout aguichante, qu’on avait placardée à l’affiche d’un cinéma. Fasciné, Philémon Orestovitch décida de remettre à plus tard son expédition à la caisse d’épargne et acheta séance tenante un billet.

Un fin connaisseur de la nature humaine aurait sans doute pu déceler l'étrange état mental et le trouble de notre héros lorsqu’il quitta le cinéma. Cet état, telle une période d'incubation, était les prémisses d'une grave et dangereuse maladie : le virus insidieux de désirs trop longtemps insatisfaits se propageait déjà, menaçant de bientôt provoquer en lui une terrible poussée de fièvre amoureuse.

Extérieurement, cela ne se manifesta d’abord que par un état de distraction exacerbée avec lequel Philémon se mit à regarder le monde autour de lui. Peut-être que les forces immuno-biologiques de son corps eussent-elles pu vaincre ce mal, si d'autres circonstances n’étaient pas venues s’en mêler, s’enchevêtrant les unes aux autres de façon proprement machiavélique.

Premièrement, il trouva la caisse d’épargne fermée. C’était l’heure de la pause-déjeuner. Deuxièmement, Philémon décida de patienter jusqu’à son ouverture et entra dans un bistrot voisin. Et troisièmement... Cependant, reprenons tout dans l'ordre, comme il convient, et sans hâte excessive…

1- En russe, on désigne les personnes par leur prénom (имя), leur patronyme (очество) et leur nom de famille (фамилия). Ici le nom complet de notre héros est Philémon Orestovitch Polossoukhine (Филимо́н Оре́стович Полосу́хин). Il est courant, entre adultes, de désigner ou d’interpeller une personne seulement en citant son prénom et son patronyme sans nécessairement y ajouter le nom de famille.

2- L’épouse de Philémon Orestovitch se nomme quant à elle Varvara Stépanovna Polossoukhina (Варва́ра Степа́новна Полосу́хина), tout simplement appelée le long du récit Varvara Stépanovna.