IIya Varchavsky – Le Panthéon de l’immortalité (01)
Илья Варшавский - Ilya Varchavsky
Пантео́н бессме́ртия
Le Panthéon de l'immortalité
(1964)
Пе́рвый эпизо́д - Premier épisode
Пе́рвыми, как всегда́, на́чали фанта́сты. Э́то совпа́ло с концо́м э́ры ко́смоса в литерату́ре. К то́му вре́мени уже́ был со́здан косми́ческий вариа́нт “Трёх мушкетёров”, перенесены́ в далёкие гала́ктики геро́и ру́сских были́н и ми́фов Элла́ды, напи́сан “Рокомбо́ль на Ма́рсе”, а двена́дцатый стул с сокро́вищами мада́м Петухо́вой отпра́влен в кольцо́ Сату́рна.
Назрева́л кри́зис жа́нра.
Лёгкость конверти́рования любо́го литерату́рного произведе́ния в нау́чно-фантасти́ческое путём удале́ния его́ геро́ев на расстоя́ние не́скольких парсе́ков от Земли́ привлекла́ в нау́чную фанта́стику ты́сячи но́вых а́второв, перерабо́тавших в тече́ние не́скольких лет всё, что бы́ло напи́сано проза́иками, драмату́ргами и поэ́тами. Сейча́с, подо́бно ста́е голо́дной саранчи́, они́ мета́лись среди́ обгло́данных и́ми книг в по́исках но́вой пи́щи.
Как всегда́ быва́ет в перехо́дные пери́оды, иде́я уже́ носи́лась в во́здухе, и сейча́с тру́дно установи́ть, кто же пе́рвый откры́л но́вую э́ру в фанта́стике. Так и́ли ина́че, на ры́нок хлы́нул пото́к книг о челове́ческой душе́.
Э́то не́ было возвра́том к ста́рым тради́циям Фламмарио́на и Го́фмана. Оснащённая совреме́нной те́хникой, челове́ческая душа́ потеря́ла сво́йственный э́тому си́мволу мисти́ческий отте́нок и приобрела́ материа́льные черты́. Она́ извлека́лась хитроу́мными прибо́рами из недр мозговы́х кле́ток, запи́сывалась на магни́тных ле́нтах, концентри́ровалась в ви́де чередова́ния заря́дов в полупроводнико́вых криста́ллах, воплоща́лась при по́мощи двои́чного ко́да в моле́кулах полиме́ров, передава́лась на невообрази́мые расстоя́ния радиосигна́лами.
За не́сколько лет косми́ческое простра́нство бы́ло населено́ ду́шами уме́рших, живы́х и ещё не роди́вшихся люде́й с пло́тностью, превыша́ющей санита́рные но́рмы.
Одна́ко изве́стно, что полёт са́мой изощрённой фанта́зии не мо́жет намно́го опереди́ть уве́ренную, неторопли́вую по́ступь нау́ки. Поэ́тому наста́ло вре́мя, когда́ то, что каза́лось заба́вной вы́думкой фанта́ста, бы́ло полу́чено в лаборато́рии учёного.
Les premiers, comme toujours, furent les écrivains de science-fiction. Cela coïncida, en littérature, avec la fin de l’époque spatiale. La version intersidérale des ‘Trois Mousquetaires’ avait déjà été écrite, on avait transposé les aventures des héros des épopées de l’ancienne Russie et des mythes grecs dans de lointaines galaxies, "Rocambole sur Mars" avait été publié et la douzième chaise de Madame Petoukhova¹ ainsi que ses trésors expédiés vers les anneaux de Saturne².
La crise du genre couvait.
La facilité d’adapter n'importe quelle œuvre littéraire en science-fiction en déportant ses personnages à quelques parsecs³ de la Terre attira des milliers de nouveaux auteurs. Ainsi, durant de nombreuses années, retravaillèrent-ils tout ce qu'avaient écrit avant eux les prosateurs, les dramaturges et les poètes, et, comme des nuées de sauterelles affamées, à la recherche de nouvelle nourriture, dévorèrent-ils tous les ouvrages qui leur passaient entre les mains.
Comme toujours dans les périodes de transition, l'idée était déjà dans l'air, et rétrospectivement il est bien difficile d'établir qui fut le pionnier du renouvellement du genre. C’est ainsi que d’une façon ou d’une autre un flot de nouveaux ouvrages traitant de l'âme humaine se déversa sur le marché.
Ce n'était pas là qu’un retour aux vieilles traditions de Flammarion ou d’Hoffmann4 : affublée des technologies les plus modernes, l'âme humaine perdait dans ces nouveaux récits toute la coloration mystique qui auparavant la caractérisait pour devenir prosaïquement matérielle.
Les auteurs l’extrayaient par des dispositifs ingénieux des tréfonds des cellules cérébrales. Ils l’enregistraient sur des bandes magnétiques, la concentraient et la cristallisaient au sein de semi-conducteurs, la matérialisaient en code binaire dans des molécules de polymère, la faisaient voyager sur des distances incommensurables par transmission radio.
Ainsi, des années durant, l'espace cosmique de la littérature de science-fiction se trouva-t-il peuplé par les âmes des vivants, des morts, et de ceux encore à naître, leur prolifération dépassant toutes les normes sanitaires communément admises.
Cependant, chacun sait que l’aile rapide de la fantaisie la plus débridée ne devance guère longtemps le pas confiant et tranquille de la science. Le moment arriva où ce qui semblait n’avoir été que d’amusantes élucubrations sorties de la tête d’écrivains de romans de science-fiction se concrétisa et se matérialisa au sein des laboratoires scientifiques.
1- L’auteur fait référence ici au roman coécrit par Ilya Ilf (Илья Арнольдович Ильф) et Evguéni Pétrov (Евгений Петрович Петров) :Les Douze Chaises’ (Двенадцать стульев) en 1927 - lire (en russe).
2- Dans la même veine, on peut lire de nos jours sur Internet ‘Ilya Mouromets dans le cosmos’ (Илья Муромец в космосе) - Lire (en russe) !
3- Le parsec est une unité de mesure astronomique valant 3,26 années-lumière.
4- Camille Flammarion (1842-1925), grand vulgarisateur scientifique français, adepte du ‘spiritisme’ - approche pseudo-scientifique en vogue à l’époque -, auteur de ‘La Pluralité des mondes habités’ (1862).Ernst Theodor Amadeus Hoffmann (1776-1822), écrivain (mais également caricaturiste et musicien) allemand, figure du courant ‘romantique’. Comme Camille Flammarion vulgarisateur scientifique, il déclara : « Le spiritisme est une science, pas une religion... »
(L'ensemble des notes est du traducteur).