Ilya Varchavsky – Un conte des temps présents (03)

Petites nouvelles russes - Ilya Varchavsky - La créature

Совреме́нная ска́зка
­

Un conte des temps présents

Тре́тий эпизо́д - Episode trois

— Я хочу́ име́ть пото́мство, — одна́жды сказа́ла она́ [маши́на] Констру́ктору.

— Заче́м? — спроси́л он.

— Э́то оди́н из ви́дов бессме́ртия. Мне не хо́чется бессле́дно исче́знуть.

Констру́ктор заду́мался. Он прекра́сно понима́л, каку́ю угро́зу для челове́чества представля́ли бы размножа́ющиеся маши́ны.

— Лу́чше я тебе́ обеспе́чу ли́чное бессме́ртие, — отве́тил он и отпра́вился в свой кабине́т.

Не́сколько лет би́лся он над реше́нием но́вой пробле́мы. Его мозг уже́ не был таки́м изощрённым и то́чным, как в мо́лодости. Пришло́сь сконструи́ровать специа́льный электро́нный прибо́р, активизи́рующий мысли́тельные проце́ссы. С его́ по́мощью он нашёл реше́ние: доби́лся того́, что не смогла́ сде́лать приро́да. Тепе́рь не́рвные кле́тки, составля́вшие мозг маши́ны, по́лностью регенери́ровались по м́ере их старе́ния.

— Наде́юсь, ты дово́льна? — спроси́л он маши́ну.

— Это далеко́ не всё— отве́тила она́. — Всё равно́ я существу́ю, то́лько пока́ ты ко́рмишь меня́ бульо́ном. Сто́ит тебе́ умере́ть, как я то́же прекращу́ существова́ние. Приду́май ещё что-нибу́дь.

— Хорошо́, попро́бую, — отве́тил Констру́ктор.

Вско́ре его́ разби́л парали́ч. Он веле́л ампути́ровать себе́ ру́ки и но́ги и замени́ть их электро́нными проте́зами. Кро́ме того́, что́бы он мог продолжа́ть рабо́ту, в него́ вмонти́ровали нейло́новое сердце́ с электромото́ром и механи́ческий желу́док. Тепе́рь ему́ ну́жно бы́ло два ра́за в день заряжа́ть аккумуля́торы, пита́ющие его́ о́рганы.

То, что он сде́лал на поро́ге сме́рти, бы́ло де́рзким вы́зовом приро́де. В кровено́сной систе́ме маши́ны он посели́л бакте́рий, спосо́бных испо́льзовать со́лнечный свет для си́нтеза пита́тельных веще́ств из углекислоты́ и паро́в воды́, находя́щихся в атмосфе́ре. Тепе́рь он мог споко́йно умере́ть с го́рдым созна́нием, что соверши́л чу́до — со́здал ве́чную мы́слящую маши́ну.

— Э́то ты отли́чно приду́мал, — сказа́ла маши́на, — тебе́ оста́лось то́лько сравни́ть себя́ со мной и че́стно призна́ть, что твоё творе́ние лу́чше своего́ созда́теля. Посмотри́ на себя́: ты на три че́тверти состои́шь из примити́вных электро́нных прибо́ров, а я — э́то си́нтез велича́йших достиже́ний приро́ды; ты умира́ешь, а я бессме́ртна.

— Чепуха́! — отве́тил, умира́я, Констру́ктор.

Petites nouvelles russes - Ilya Varchavsky - La créature 2

- Je désire avoir une progéniture, annonça un jour la créature.

- Pourquoi ? lui demanda l’Ingénieur.

- C'est l’un des moyens d’échapper à la mort. Je ne veux pas disparaître sans que quelque chose de moi ne survive.

L’Ingénieur réfléchit. Il était bien conscient de la menace que pouvait représenter pour l'humanité la multiplication des machines.

- Je préfère t’offrir l'immortalité pour toi-même, répondit-il et il s’enferma dans son bureau.

Plusieurs années il se débattit afin de résoudre cette nouvelle gageure. Son cerveau n'était plus aussi performant qu’au temps de sa jeunesse et ses idées se faisaient moins précises. Il dut d’abord inventer pour lui-même un appareillage électronique afin de stimuler sa réflexion.

Enfin, il réussit à concevoir la solution idéale : il réalisa ce que la Nature était dans l’incapacité d’offrir à quiconque. Désormais, la cervelle et les terminaisons nerveuses de la machine se régénéreraient à mesure qu’elles vieilliraient.

- J'espère que te voilà satisfaite ? demanda-t-il à sa créature.

- Je suis loin du compte, répondit celle-ci. Je vis tant que tu es là pour me donner mon bouillon de viande. Mais une fois que tu seras mort, je cesserai également d'exister. Tâche de trouver une solution...

- D'accord, je vais m’y employer, répondit le vieil homme.

Bientôt, il perdit l’usage de ses bras et de ses jambes. Il dut être amputé et ses membres furent remplacés par des prothèses électroniques. De plus, pour qu'il puisse continuer son œuvre, un cœur en fibre synthétique équipé d’un moteur électrique et un estomac mécanique lui furent greffés. A présent, il devait deux fois par jour recharger ses batteries pour alimenter ses nouveaux organes.

Ce qu’il réalisa au seuil de la mort sonna comme un ultime défi lancé à la Nature. Dans le système circulatoire de sa créature, il stimula des bactéries capables d'utiliser la lumière du soleil pour synthétiser les nutriments à partir du dioxyde de carbone et de la vapeur d'eau présents dans l'atmosphère. Maintenant, il pouvait mourir en paix, fier de lui, conscient d'avoir accompli là un miracle : il avait créé une machine pensante qui vivrait éternellement.

- Tu as fait un excellent travail, lui déclara celle-ci. A présent, compare-toi à moi et reconnais honnêtement que la créature vaut mieux que son créateur. Regarde-toi : aux trois quarts rafistolé de prothèses électroniques primitives. Tandis que moi… vois, je suis la brillante synthèse des plus grandes opportunités qu’offre la Nature. Tu vas mourir et moi, je serai à jamais immortelle.

- Connerie ! lui répondit l’Ingénieur dans un dernier souffle.

***

Quand la réalité rattrape la fiction...

L’Arabie saoudite est devenu le premier pays à accorder la nationalité à un humanoïde : elle se nomme Sophia. Ce « robot social » peut reconnaître les visages, et son faciès en silicone peut mimer 62 expressions humaines. Contrairement aux femmes saoudiennes elle ne porte pas le voile. Une femme émancipée en quelque sorte…

Pour en savoir plus : Le Monde, ‘Sophia, robot saoudienne et citoyenne’, 04/11/2017.