Ilya Varchavsky – L’héritier (04)

Petites nouvelles russes - Ilya Varchavsky - L'héritier - Ville déserte
Ville fantômatique de l'ex-URSS

Илья Варшавский - Ilya Varchavsky
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Насле́дник - L’héritier

Четвёртый эпизо́д - Episode quatre

Пусты́нные у́лицы припу́дрены сне́гом. От э́того го́род стано́вится похо́жим на подгримиро́ванного мертвеца́. Сне́гом покры́ты скрю́ченные мёртвые стволы́ дере́вьев, снег лежи́т на безжи́зненной кори́чневой земле́ в скве́рах, под сне́гом погребён слой стра́шной чёрной пы́ли на тротуа́рах и мостовы́х.

Чёрная пыль. Она́ оста́лась на ле́стницах домо́в, на парке́тах кварти́р, на сту́льях, в ва́ннах, везде́, где когда́-то была́ жива́я плоть.

Сле́ды жи́зни не то́лько в ку́чках чёрного пе́пла. Они́ — в разбро́санных на полу́ де́тских игру́шках, в лежа́щей на дива́не раскры́той кни́ге, в недопи́тых ча́шках на столе́, в смя́той поду́шке, храня́щей фо́рму чьей-то головы́, в пре́рванной на полусло́ве ру́кописи. И везде́ ря́дом ку́чки чёрной пы́ли разли́чных разме́ров и форм.

Стари́к до́лго ходи́т из до́ма в дом, из кварти́ры в кварти́ру, из ко́мнаты в ко́мнату. Он берёт ве́щи, тща́тельно их рассма́тривает и бе́режно ста́вит на ме́сто. Всё должно́ сохрани́ться в том ви́де, как бы́ло тогда́. Е́му хо́чется поня́ть, как жи́ли лю́ди в тот ве́чер, чем они́ занима́лись, о чём ду́мали.

Он сно́ва выхо́дит на у́лицу. В разби́той витри́не магази́на застря́л похо́жий на жука́, сверка́ющий ла́ком автомоби́ль. За́дние колёса вися́т в во́здухе над тротуа́ром. Он машина́льно счита́ет ку́чки пе́пла на сафья́не сиде́ний: одна́, две, три. Две впереди́ и одна́, поме́ньше, сза́ди.

Холо́дный ве́тер врыва́ется в разби́тое окно́, кру́тит на полу́ ку́чки пы́ли, игра́ет сверка́ющими шелка́ми. Кача́ющиеся в поры́вах ве́тра меховы́е манто́ ка́жутся фантасти́ческими живо́тными, попа́вшими в капка́ны.

Стари́к подхо́дит к прила́вку, до́лго, приди́рчиво разгля́дывает лежа́щие на нём ве́щи, берёт тёплый шарф и повя́зывает им ше́ю.

Тепе́рь он торо́пится. Ну́жно ещё взять консе́рвы и до наступле́ния темноты́ попа́сть домо́й.

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Les rues sont désertes, comme saupoudrées de neige. La ville ressemble à un défunt dont on aurait fardé le visage. La neige couvre les troncs difformes des arbres morts, elle tapisse la terre brunie et sans vie des squares, ensevelit la terrifiante couche de poussière noirâtre qui s’est déposée sur les trottoirs et les pavés.

Partout cette poussière noire : sur les marches des maisons, sur le parquet des appartements, sur les chaises, dans les salles de bain, partout où autrefois il y avait des êtres pleins de vie.

Les empreintes de ces existences ne gisent pas seulement dans tous ces tas de cendres noires. Elles sont sur les jouets d'enfants encore éparpillés sur le sol, sur les pages d’un livre ouvert posé sur un divan, dans ces tasses encore à moitié remplies posées sur le bord d’une table, sur un oreiller froissé qui a conservé la forme d’une tête, dans un manuscrit laissé inachevé au milieu d'une phrase. Et partout, partout, ces tas de poussière noire, chacun différent et singulier.

Le vieil homme a longtemps marché de maison en maison, d'appartement en appartement, de chambre en chambre. Il a pris dans ses mains toutes sortes d’objets, les a examinés attentivement puis les a chacun reposés soigneusement. Tout doit être conservé à sa place, rien ne doit bouger. Il désire comprendre qui étaient ces gens, ce qu'ils faisaient ce soir-là, ce à quoi ils pensaient.

Le voilà de nouveau dans la rue. Une voiture à la carrosserie luisante, tel un gros scarabée, est encastrée dans une vitrine qui a volé en éclats. Ses roues arrière sont suspendues en l’air, au-dessus du trottoir. Le vieil homme compte machinalement les tas de cendres sur les sièges de cuir : un, deux, trois. Deux devant et un, plus petit, derrière.

Un vent froid s'engouffre par la baie brisée du magasin, faisant tourbillonner les petits tas de cendres. Plus loin, il joue avec des soieries étincelantes. Sous ses rafales, des manteaux de fourrure se balancent telles des bêtes fantastiques prises au piège.

Le vieil homme s'approche du présentoir. Méticuleusement, longuement, il regarde les articles restés posés là. Il prend une écharpe chaude et la noue autour de son cou.

Maintenant, il se presse. La nuit ne va pas tarder. Avant de rentrer, il doit encore faire provision de quelques boîtes de conserve.