IIya Varchavsky – Les fourberies de Cupidon (03)

­Проде́лки Аму́ра - Les fourberies de Cupidon

Тре́тий эпизо́д - Episode trois

Petites nouvelles russes - La Gazette littéraire
La Gazette littéraire

Закупи́в в «Гастроно́ме» вся́кой сне́ди, гла́вным о́бразом того́, в чём он себе́ до́лгое вре́мя был вы́нужден отка́зывать по причи́не больно́й пе́чени, и реши́в, что вече́рний чай с успе́хом заменя́ется напи́тком бо́лее калори́йным, Филимо́н Оре́стович отпра́вился домо́й в твёрдом наме́рении сего́дня же доби́ться реша́ющих успе́хов в обуче́нии попуга́ев иностра́нным языка́м.

Одна́ко то ли всле́дствие переме́ны местожи́тельства, то ли по друго́й при́чине попуга́и не прояви́ли в э́тот день ника́ких тала́нтов. Они́ сиде́ли нахо́хлившись на свои́х жёрдочках, демонстрати́вно отка́зываясь не то́лько говори́ть, но да́же принима́ть пи́щу.

Вско́ре Филимо́н Оре́стович махну́л на них руко́й и реши́л подкрепи́ться.

Он аппети́тнейшим о́бразом разложи́л на таре́лках свои́ припа́сы и, отхлёбывая живи́тельную вла́гу из фами́льного хруста́льного бока́ла — го́рдости Варва́ры Степа́новны, — погрузи́лся в чте́ние «Литерату́рной газе́ты».

В ту по́ру вела́сь оживлённая диску́ссия о допусти́мости в на́шем о́бществе привлече́ния электро́нных маши́н в ка́честве сва́хи. Выска́зывались социо́логи, экономи́сты, врачи́-сексо́логи, разведённые супру́ги, де́вушки, мечта́ющие об идеа́льном му́же, восто́рженные ста́рцы и ю́ные ске́птики. Оказа́лось, что э́та пробле́ма интересу́ет всех.

Филимо́н Оре́стович, всегда́ приде́ржива́вшийся взгля́дов передовы́х и радика́льных, был я́рым сторо́нником организа́ции Центра́льного бюро́ бра́ков. Он да́же написа́л простра́нное и тща́тельно аргументи́рованное письмо́ в реда́кцию, но напеча́тано оно́ не́ было.

Каково́ же бы́ло его́ удивле́ние, когда́, разверну́в газе́ту, он уви́дел, что пробле́ма вы́шла ужé из о́бласти спо́ров и вычисли́тельный центр в о́пытном поря́дке предлага́ет всем жела́ющим воспо́льзоваться его́ маши́нами для подыска́ния па́ры в бра́ке.

Филимо́н Оре́стович закури́л и заду́мался. В са́мом де́ле. Ведь всё в бра́ке случа́йно. Взять хотя́ бы его́ с Варва́рой Степа́новной. Познако́мились они́ в го́спитале. Он лежа́л там ра́неный, а она́ рабо́тала медсестро́й. Пото́м его́ демобилизова́ли по инвали́дности, и они́ ста́ли жить вме́сте. Да́же в загс1 не пошли́, насто́лько э́то каза́лось есте́ственным и обы́денным. А ведь в тот день, под Га́тчиной, могло́ ра́нить оско́лком не его́, а кого́-нибудь друго́го, и э́тот друго́й лежа́л бы в го́спитале и, мо́жет, жени́лся бы на Варва́ре, а тем вре́менем и у него́ самого́ появи́лась бы друга́я подру́жка жи́зни.

Возмóжно, она́ бы дáже бóльше соотвéтствовала его́ жи́зненным идеáлам.

Petites-nouvelles-russes - Topor

Après avoir acheté tout un assortiment de délicatesses à l’épicerie du quartier, et principalement tout ce dont à cause de son foie malade il était contraint de se priver depuis si longtemps, et se convainquant qu’en lieu et place de sa tasse de thé vespérale une boisson plus énergisante serait pour lui plus salutaire, Philémon rentra chez lui avec la ferme intention d'obtenir ce jour même des résultats probants, bien résolu à enseigner à ses deux perruches l’apprentissage des langues étrangères.

Cependant, à cause de leur récent déménagement, ou pour tout autre raison, les volatiles ne montrèrent aucun talent pour quelque langue que ce fût. Ils se tenaient sur leur perchoir, cois, tout ébouriffés, refusant, comme par défi, non seulement de dire un traître mot, mais même d’accepter la moindre pistache.

Au bout d’un moment, Philémon leur adressa un geste de dépit et décida de se sustenter.

Il disposa l’assortiment de gourmandises qu’il avait ramené de manière tout à fait appétissante sur de petites assiettes et, sirotant un bon petit vin (dans un verre en cristal qu’il avait sorti du service familial - un service dont Varvara était si fière), il se plongea dans la lecture de la ‘Gazette littéraire’.

A cette époque, un vif débat agitait l’opinion sur le fait de savoir si l’on devait accepter l’entremise de systèmes électroniques pour favoriser les rencontres amoureuses : sociologues, économistes, sexologues, épouses divorcées, jeunes femmes qui rêvaient du mari idéal, vieillards enthousiastes et jeunes gens sceptiques s’exprimaient, chacun y allant de son point de vue. Ce problème apparemment passionnait tout le monde.

Philémon Orestovitch, un homme aux idées progressistes et parfois même radicales, était un ardent partisan de la création d’une agence centrale des mariages. Il avait même écrit à la rédaction du journal une longue lettre, soigneusement argumentée, sans que celle-ci d’ailleurs ne fût jamais publiée.

Quelle ne fut pas sa surprise quand dans les pages de la gazette il lut que la question n’en était plus seulement au stade de la polémique mais qu’une telle agence cybernétique venait d’être inaugurée - à titre expérimental - et proposait ses services à tous celles et ceux qui désiraient rencontrer l’âme sœur.

Philémon Orestovitch alluma une cigarette et se perdit en mille conjectures. « Après tout, se dit-il, tout dans le mariage est fortuit. Prenez, moi, par exemple, et Varvara Stepanovna... »

C’était à l'hôpital militaire qu’ils s’étaient rencontrés. Blessé, il y avait été hospitalisé, et elle y travaillait comme infirmière. Puis il avait été démobilisé pour invalidité et ensuite ils s’étaient mis en ménage. Ils n’avaient même pas pris la peine de passer par le bureau de l'état civil, cela leur avait paru si naturel et bien ordinaire.

« Mais ce jour-là, réfléchit-il, près de Gatchina¹, si ça n’avait pas été moi, mais un autre qui avait été blessé par ce fragment d’obus, et que c’est cet autre qu’on avait hospitalisé et qui, peut-être, ensuite aurait épousé Varvara... », et que lui, Philémon, entre-temps, eût connu une autre fille qui serait devenue la compagne de sa vie. Peut-être même que cette fille-là aurait été plus… « plus conforme à mon idéal féminin... »

1- Gatchina (Гатчина) : ville de l'oblast (région) de Leningrad, située à une quarantaine de kilomètres de Saint-Pétersbourg, où se déroulèrent de violents combats durant la Grande Guerre Patriotique (1941-1945).