IIya Varchavsky – Les fourberies de Cupidon (11)

­Проде́лки Аму́ра - Les fourberies de Cupidon

Оди́ннадцатый эпизо́д - Episode onze

Petites-nouvelles-russes - L'amour et le temps
Illustration de G. A. V. Traugot (Г. А. В. Траугот) pour le recueil de nouvelles d'Ilya Varchavsky 'Sujet pour un roman', 1990

Удиви́тельное созда́ние челове́к! В э́той но́вой ситуа́ции Филимо́на Оре́стовича почему́-то бо́льше всего́ возмути́ли и́менно Ручьи́.

— Ручьи́! — захохота́л он. — Нет, вы то́лько поду́майте, Ручьи́! Со́бственный дом!

Усы́ у него́ брезгли́во топо́рщились, как у кота́, нюхну́вшего нашаты́рного спи́рта, глаза́ сверка́ли дья́вольским пла́менем, нос заостри́лся и вы́гнулся дуго́й.

— Ручьи́! Ха-ха-ха! Ручьи́!!! Что ж, не сме́ю препя́тствовать!

Отве́сив насме́шливый покло́н, он с досто́инством Ка́менного го́стя напра́вился к себе́ за шкафы́.

Я не маста́к опи́сывать сло́жные душе́вные пережива́ния. Сопу́тствующие им мы́сли насто́лько сумбу́рны, что изложи́ть их хоть в како́й-то логи́ческой после́довательности о́чень тру́дно. Да и ни к чему́ э́то. Ва́жно, что тепе́рь Филимо́н Оре́стович гото́в был оди́н на оди́н би́ться за свою́ пору́ганную честь со все́ми электро́нными сво́днями на све́те.

Что же каса́ется гну́сного соблазни́теля из посе́лка Ручьи́, то хоро́ший уда́р шпа́гой: впро́чем, чушь, каки́е тепе́рь шпа́ги? Пра́вда, есть ещё кула́чная распра́ва, но и э́та мысль то́же была́ отки́нута. Во́зраст не тот, да и се́рдце поша́ливает. Остава́лось одно́: протестова́ть, протестоват́ь!

Проте́ст — одна́ из са́мых хи́лых форм борьбы́. Ни́же его́́ в табе́ли о ра́нгах стои́т то́лько ку́киш в карма́не. Кро́ме того́, попро́буй протестова́ть, когда́ пе́ред тобо́й — равноду́шный очка́рик, впи́вшийся молоды́ми зуба́ми в я́блоко.

— Вот, полюбу́йтесь! — Филимо́н Оре́стович швырну́л на́ стол извеще́ние. — И заче́м вас то́лько тут де́ржат?!

— Что, не подхо́дит? — спроси́л очка́рик, ча́вкая при э́том са́мым омерзи́тельным о́бразом.

— Подхо́дит! — дрожа́щим от негодова́ния го́лосом произнёс Филимо́н Оре́стович. — О́чень подхо́дит, то́лько я ей не подхожу́. По ва́шему мне́нию не подхожу́. Э́то вы ей како́го-то Авре́лия подсу́нули!

— Что ж, быва́ет, — усмехну́лся тот. — Тут уж, как говори́тся, ничего́ не попи́шешь. Вам она́ подхо́дит, а вы ей нет, ситуа́ция вполне́ жи́зненная. Плати́ть буде́те? — Он вытащи́л из стола́ квитанцио́нную кни́жку. — За повто́рную рекоменда́цию пять рубле́й.

— Как?! — вы́пучил глаза́ Филимо́н Оре́стович. — И вы ещё име́ете на́глость мне предлага́ть?! Вы!.. вы!.. — Тут он изрёк нечто́ столь нецензу́рное, что да́же вида́вший вся́кое очка́рик поперхну́лся я́блоком и до́лго ещё по́сле того́, как за посети́телем захло́пнулась дверь, сокрушённо кача́л голово́й.

Petites-nouvelles-russes - Topor

L’être humain est une créature incroyable. En apprenant l’existence de cet Aurèle Markovitch, l’indignation de Philémon se focalisa en tout premier lieu sur Routchi, le bourg perdu où le bonhomme vivait.

- Routchi ! Routchi... Il éclata d’un rire sardonique. Non, mais voyez un peu, et dans sa propre maison ! A Routchi !

Sa paire de moustaches se hérissa comme celles d’un chat qui renifle avec dégoût un coton imbibé d’ammoniaque. Ses yeux brillèrent d'une flamme diabolique et son nez se fit tout pointu et crochu.

- Routchi ! Ha-ha-ha-ha ! Routchi !!! Eh bien, je ne saurais vous retenir madame !

Et tout en faisant une révérence moqueuse, avec la dignité d’une statue de pierre donjuanesque¹, il regagna son réduit, par delà l’armoire frontalière.

O, Lecteurs, je ne suis pas passé maître dans l'art de décrire la complexité de telles expériences émotionnelles : les pensées qui les accompagnent sont si chaotiques qu'il me serait très difficile de les énoncer en une séquence purement logique. Et cela, de toute manière ne servirait à rien. Il est seulement important de savoir qu’à ce moment-là Philémon Orestovitch se sentait prêt à provoquer en combat singulier toutes les maquerelles électroniques du monde afin de recouvrer son honneur bafoué. Et quant au vil séducteur de Routchi : vlan ! Celui-là ne méritait qu’un bon coup d'épée dans le ventre...

Mais cela pourtant n’a aucun sens : de quel genre d'épées dispose-t-on de nos jours ? Certes, Philémon avait toujours moyen de lui asséner un bon coup de poing en représailles, mais il écarta également cette solution. L'âge n’était plus où le cœur se laisse aller à de tels emportements.

Il ne lui restait donc plus qu'une seule chose à faire : protester, protester, protester !

La protestation est une forme de combat des plus aléatoires. En dessous, dans le tableau des gradations, il n'y a que le pied-de-nez. De plus, tentez donc de protester devant un employé indifférent, à grosses lunettes, qui devant vous est en train de croquer une pomme de ses jeunes dents !

- Tenez, admirez ! Philémon jeta sur son bureau le courrier qu’il avait reçu. A quoi servez-vous donc ici ?…

- Quoi donc ? Celle qu’on vous a proposée ne vous convient pas ? demanda le jeune homme, tout en mâchouillant sa pomme de façon peu ragoûtante.

- Si elle ne me convient pas ?! La voix de Philémon tremblait d'indignation. Elle me convient très bien, mais c’est moi qui ne lui conviens pas ! Selon vos résultats, je ne lui corresponds pas ! C'est vous, je suppose, qui avez eu l’idée de ce… cet Aurèle Machin-truc-chouette !

- Eh bien, que voulez-vous… cela arrive, répondit le garçon en esquissant un petit rire. On n’y peut rien, comme on dit. Elle vous convient, mais vous non : la situation est assez banale - c’est la vie ! Voulez-vous qu’on vous adresse une autre candidate ? ajouta-t-il, tout en tirant un carnet de reçus de son tiroir. Cela vous coûtera cinq roubles.

- Comment ?! Les yeux de Philémon sortirent de leurs orbites. Et vous avez encore le toupet de me demander encore de l'argent ?! Espèce de...! Espèce de...! Ici, le qualificatif qu’employa Philémon était si obscène que même le jeune homme, derrière sa grosse paire de lunettes, qui pourtant en avait déjà vu de toutes les couleurs, avala de travers son bout de pomme. Et longtemps après que le visiteur eut claqué la porte, il secouait encore la tête, la mine désabusée.

1- L’auteur fait ici référence à la courte pièce dramatique d’Alexandre Pouchkine, ‘L’invité de pierre’ (Каменный гость) (1830) – lire en russe -, traduit en français par Ivan Tourgueniev et Louis Viardot (1862) - lire en français.