Ilya Varchavsky – Les fantômes (01)

Petites nouvelles russes - Ilya Varchavsky - Les fantômes
Les fantômes

Илья Варшавский - Ilya Varchavsky
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При́зраки (1964) Les fantômes

Enregistrements audio version française : Bruno et Roselyne Marmottant, Bernard Pollet.
Version russe : Alexandre Dounine (Александр Дунин).

Пе́рвый эпизо́д - Premier épisode

Придя́ домо́й, он снял о́бувь, костю́м, бельё и бро́сил их в я́щик утилиза́тора.

Э́та процеду́ра ка́ждый раз вызыва́ла у него́ неприя́тное чу́вство. Стра́нная привя́занность к веща́м. Осо́бенно жаль ему́ бы́ло расстава́ться с о́бувью. Он страда́л плоскосто́пием, и да́же ортопеди́ческие боти́нки станови́лись удо́бными то́лько к ве́черу, когда́ их ну́жно бы́ло выбра́сывать. Одна́ко пункт пе́рвый санита́рных пра́вил предпи́сывал ежедне́вную сме́ну оде́жды.

Приня́в душ, он облачи́лся в све́жую пижа́му. Ста́рая, вме́сте с купа́льной простынёй, то́же отпра́вилась в утилиза́тор.

Не́сколько мину́т он в нереши́тельности стоя́л перед устано́вкой иску́сственного кли́мата. Зате́м, поста́вив рычажо́к про́тив на́дписи «Бе́рег мо́ря», лёг в посте́ль.

Ему́ смерте́льно хоте́лось спать, но он знал, что э́та ночь, как и предыду́щие, пройдёт без сна. Сто́ило ему́ закры́ть глаза́, как всё, что он пыта́лся подави́ть в себе́ днём, опя́ть овладева́ло его́ по́мыслами.

Очеви́дно, он всё-таки усну́л, потому́ что когда́ сно́ва откры́л глаза́, стре́лка на светя́щемся цифербла́те пока́зывала три часа́.

Бо́льше ждать он не мог. С тяжело́ бью́щимся се́рдцем он подошёл к пу́льту и нажа́л кно́пку вы́зова.

Возни́кшее в фока́льном объёме изображе́ние де́вушки улыбну́лось ему,́ как ста́рому знако́мому.

— Слу́шаю!

— Оде́жду на сего́дня! — ска́зал он хри́плым го́лосом.

— Микрокли́мат но́мер два́дцать шесть. Оде́жда во́семь и́ли двена́дцать.

— Нельзя́ ли что́-нибудь поле́гче?

— Рабо́чую оде́жду?

— Да.

— В кото́ром часу́ вы выхо́дите из до́ма?

— Сейча́с.

— Я вам дам комбинезо́н и сви́тер. На у́лице ещё прохла́дно. В де́сять часо́в смо́жете сви́тер бро́сить в ближа́йший утилиза́тор.

— Хорошо́.

Он откры́л две́рцу конте́йнера и взял паке́т с оде́ждой.

— Что вы хоти́те на за́втрак?

«Сейча́с, — поду́мал он, — и́менно сейча́с!».

— Почему́ вы молчи́те?

— Я вас люблю́.

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Arrivé à la maison, il enleva ses chaussures, ses vêtements et sous-vêtements et jeta le tout dans le broyeur.

Cette procédure lui causait à chaque fois la sensation désagréable d’un bien étrange attachement aux choses. Il était surtout désolé de se séparer de ses chaussures. Il avait les pieds plats et même les chaussures orthopédiques ne lui devenaient confortables que le soir, lorsqu'il devait alors les jeter. Cependant, le premier paragraphe du règlement sanitaire prescrivait le changement quotidien de vêtements, chaussures comprises.

Après avoir pris une douche, il enfila un pyjama neuf. L'ancien, ainsi que la serviette de bain, avaient pris le chemin de la déchetterie.

Pendant plusieurs minutes, il hésita devant le boîtier de la climatisation. Puis, après avoir tourné le bouton sur "Brise de mer", il se mit au lit.

Il mourait d'envie de dormir, mais il savait que cette nuit, comme les précédentes, se passerait sans sommeil. Dès qu'il fermerait les yeux, tout ce qu'il tentait de réprimer en lui durant la journée reprendrait possession de lui et de ses pensées.

Manifestement, il s’était endormi, car lorsqu'il rouvrit les yeux, l'aiguille du cadran lumineux indiquait trois heures du matin.

Il ne pouvait plus attendre. Le cœur battant, il se dirigea vers la console et appuya sur la touche d'appel.

L'image d’une jeune fille apparut dans le foyer de l’écran 3D et lui sourit, comme à une vieille connaissance.

- Je suis à votre écoute...

- Préparez mes vêtements pour la journée ! dit-il d'une voix rauque.

- Microclimat prévu : numéro vingt-six. Vêtements préconisés : huit ou douze.

- N’avez-vous pas quelque chose de plus léger ?

- Des vêtements de travail ?

- Oui, c’est ça.

- A quelle heure quitterez-vous la maison ?

- Maintenant.

- Je vous propose alors une salopette et un pull. Dehors, il fait encore frais. A dix heures, vous pourrez jeter le pull dans le broyeur le plus proche.

- Bien.

Il ouvrit le sas du conteneur et en sortit le paquet qui contenait ses nouveaux vêtements.

- Que désirez-vous pour le petit-déjeuner ?

« Maintenant, pensa-t-il, c’est maintenant ou jamais !... »

- Pourquoi restez-vous silencieux ?

- Je vous aime...