Ilya Varchavsky – L’héritier (01)

Petites nouvelles russes - Ilya Varchavsky - L'héritier - fenêtre
Une fenêtre sur un monde froid

Илья Варшавский - Ilya Varchavsky
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Насле́дник (1966) L’héritier

Пе́рвый эпизо́д - Premier épisode

Четы́ре часа́ но́чи. Запахну́в на груди́ телогре́йку, стари́к бредёт по бесконе́чным коридо́рам Центра́льного институ́та. Хо́лодно. Бе́лая и́зморозь покры́ла лакиро́ванные сте́ны, легла́ на стекля́нные две́ри, виси́т сосу́льками на о́кнах.

Он в нереши́тельности остана́вливается у ру́чки кондиционе́ра. Зате́м, махну́в руко́й, идёт да́льше. Ну́жно бере́чь эне́ргию. Он ничего́ не зна́ет. Пока́ реа́ктор рабо́тает. Где-то там, за масси́вной две́рью с на́дписью: «Не входи́ть, смерте́льно!», продолжа́ются таи́нственные, непоня́тные ему́ проце́ссы. Он бои́тся э́той две́ри, бои́тся, что вдруг прекрати́тся пода́ча эне́ргии, бои́тся темноты́ и бо́льше всего́ бои́тся одино́чества. Бере́чь эне́ргию! Бере́чь эне́ргию!

Гла́вный зал. В я́рком све́те плафо́нов ослепи́тельно сверка́ют бе́лые сте́ны. Со́тни бли́ков горя́т на пове́рхности полиро́ванного мета́лла, то́нут в глубине́ чёрных пу́льтов. Сли́шком мно́го све́та. Оди́н за други́м щёлкают выключа́тели. Сейча́с зал освещён то́лько ла́мпами авари́йной сети́. Бере́чь эне́ргию!

Он поднима́ется на второ́й эта́ж. Ледяны́е по́ручни ле́стницы обжига́ют ру́ку. Не́сколько мину́т он стои́т на площа́дке, согну́вшись в при́ступе хри́плого ка́шля. Отражённые от стен ла́ющие зву́ки несу́тся по пусты́нному зда́нию, разбива́ются многокра́тным э́хом.

Он вытира́ет слезя́щиеся глаза́ и открыва́ет дверь с на́дписью «Анализа́тор».

Здесь тепло́. Автомати́ческие устро́йства стро́го подде́рживают за́данный микрокли́мат. Чу́до чуде́с — иску́сственный мозг о́чень чу́вствителен к измене́нию вне́шних усло́вий.

Стари́к облегчённо вздыха́ет, уви́дев светя́щийся зелёный глазо́к на пане́ли. Кряхтя́, он опуска́ется на ни́зкую скаме́ечку, принесённую сюда́ из подва́ла. Он лю́бит сиде́ть у подно́жия э́того исполи́нского сооруже́ния.

Petites nouvelles russes - Ilya Varchavsky - L'héritier - L'oeil

Quatre heures du matin. Enveloppé dans sa veste molletonnée, le vieil homme erre dans les interminables couloirs de l'Institut central. Il fait un froid du diable. Du givre s’est déposé sur les murs laqués, recouvrant les portes vitrées, gouttant en langues de glace sur les fenêtres.

Il hésite devant la commande du climatiseur. Puis, faisant un geste de dépit, il continue son chemin. Il faut absolument économiser l'énergie. Il ne sait combien de temps encore fonctionnera le réacteur. Quelque part là-bas, derrière la porte massive portant l'inscription : "Entrée interdite - danger de mort", des processus incompréhensibles et mystérieux sont à l’œuvre, sans discontinuer.

Devant cette porte, il est saisi de peur : peur que l'approvisionnement en énergie s'arrête soudainement, peur du noir et surtout peur de la solitude. Economiser l'énergie ! Economiser l’énergie, absolument !...

Le voici dans le hall principal. Sous la lumière vive des plafonniers, les murs sont d’un blanc éblouissant. Par centaines des reflets brûlent sur la surface de métal poli des consoles et puis se perdent dans leurs profondeurs noires. Encore trop de lumière ! Il entend les uns après les autres le déclic des commutateurs. Pourtant, à présent, la salle n'est plus éclairée que par l’éclairage de secours. Economiser l'énergie : économiser l'énergie, absolument...

Il monte à l’étage. La rampe glacée de l’escalier lui brûle la main. Pendant plusieurs minutes, il s’arrête sur le palier, plié en deux, pris par une violente quinte de toux. Comme des aboiements, ces sons rauques rebondissent sur les murs, traversent l’ensemble du bâtiment désert, se dispersent en multiples échos.

Il essuie les larmes qui coulent de ses yeux et ouvre la porte portant l’inscription : ‘Grand Analyseur’.

Ici il fait chaud : le système maintient automatiquement la température et l’humidité spécifiées, comme par miracle : le cerveau central artificiel est si sensible aux variations extérieures.

Le vieil homme pousse un soupir de soulagement lorsqu'il voit l’œil vert et brillant scintiller sur le grand panneau. En gémissant, il se laisse tomber sur le petit banc qu’il a apporté avec lui depuis le sous-sol. Il aime s'asseoir au pied de la gigantesque machine.