Ilya Varchavsky – Le juge (02)

Petites nouvelles russes - Ilya Varchavsky - La main de justice
La main de la Justice

Илья Варшавский - Ilya Varchavsky
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Судья́ - Le juge

Второ́й эпизо́д - Second épisode

Э́то была́ моя́ пе́рвая и́споведь.

Я расска́зывал о те́сном подва́ле, где на полу́, в ку́че тряпья́, копоши́лись ма́ленькие человекообра́зные существа́, не зна́ющие, что тако́е со́лнечный свет, и об изму́ченной непоси́льной рабо́той же́нщине, кото́рая была́ им ма́терью, но не могла́ их прокорми́ть.

Я говори́л о судьбе́ челове́ческого детёныша, вы́нужденного добыва́ть себе́ пи́щу на помо́йках, об у́лице, кото́рая была́ ему́ до́мом, и о гну́сной ша́йке престу́пников, заменя́вшей ему́ семью́.

В мое́й и́споведи бы́ло всё: и десятиле́тний ма́льчик, кото́рого приуча́ли к нарко́тикам, что́бы по́лностью парализова́ть его́ во́лю, и жесто́кие побо́и, и тоска́ по ино́й жи́зни, и тюре́мные ка́меры, и безнадёжные попы́тки найти́ рабо́ту, и сно́ва тю́рьмы.

Я не по́мню всего́, что говори́л. Возмо́жно, что я рассказа́л о же́нщине, постоя́нно тре́бовавшей де́нег, и о том, что ка́ждая принесённая мно́ю па́чка банкно́т создава́ла на вре́мя кро́хотную иллю́зию любви́, кото́рой я не знал от рожде́ния.

Я ко́нчил говори́ть. Пе́рвый раз в жи́зни по моему́ лицу́ текли́ слёзы.

Маши́на молча́ла. То́лько периоди́чески вспы́хивавший свет на её пане́ли свиде́тельствовал о том, что она́ продолжа́ла ана́лиз.

Мне показа́лось, что ритм её рабо́ты был ины́м, чем во вре́мя допро́са. Тепе́рь в заме́дленном мига́нии ла́мпочек мне чу́дилось да́же како́е-то подо́бие сострада́ния.

«Неуже́ли, — ду́мал я, — автома́т, со́зданный для защи́ты Зако́на тех, кто искове́ркал мою́ жизнь, тро́нут мои́м расска́зом?! Возмо́жно ли, что́бы электро́нный мозг вы́рвался из лабири́нта за́данной ему́ програ́ммы на путь широ́ких обобще́ний, сво́йственных то́лько челове́ку?!»

С тяжело́ бью́щимся се́рдцем, в по́лной тишине́ я ждал реше́ния свое́й у́части.

Проходи́ли часы́, а мой судья́ всё ещё размышля́л.

Наконе́ц прозвуча́л пригово́р:

«Казни́ть и посме́ртно поми́ловать».

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Pour la première fois, j’ai confessé mon histoire.

J’ai parlé. J’ai parlé d'un sous-sol exigu, où par terre, sur un tas de vieux chiffons, de petites créatures aux formes humaines grouillaient, sans savoir ce qu’était la lumière du soleil ; j’ai parlé d'une femme épuisée par un travail au-dessus de ses forces, surmenée, qui était leur mère, et qui ne pouvait les nourrir.

J'ai parlé du sort de ce petit être forcé de chercher sa nourriture dans les poubelles, j’ai parlé de la rue qui était sa maison et de l'ignoble gang de criminels qui était devenu sa famille.

Il y avait de tout dans mes aveux : un garçon de dix ans à qui on avait appris à prendre des drogues pour inhiber complètement sa volonté, les coups sévères qu’il avait reçus, mais aussi son désir d'une vie différente. J’ai parlé des cellules de la prison et de mes tentatives désespérées de trouver du travail, et puis, de nouveau, de la prison...

Je ne me souviens pas de tout ce que j'ai dit. Il est possible que j'aie évoqué cette femme qui me réclamait constamment de l'argent, et des billets que je lui laissais et qui, chaque fois, me donnaient pour un temps une petite illusion d'amour, un sentiment qui, depuis ma naissance, m’avait été inconnu.

Voilà : j’avais fini de parler. Pour la première fois de ma vie, des larmes ont coulé sur mes joues.

La machine s’était tue. Seule une lumière clignotait par intermittence sur son panneau m’indiquant qu'elle poursuivait son analyse.

Il me semblait que son rythme était à présent différent. Dans ce lent clignotement, je ressentais même comme un semblant de compassion.

« Vraiment, ai-je pensé, cette machine créée pour protéger la Loi et l’Ordre de ceux qui ont détruit ma vie aurait-elle été touchée par mon histoire ?! Serait-ce possible que son cerveau électronique puisse s’extirper du labyrinthe des données de son programme et soit capable de s’ouvrir à de plus larges considérations, seulement propres à l’être humain ?! »

Le cœur battant, dans un silence complet, j’ai attendu la décision, le sort qui m’était promis.

Les heures passaient et mon juge réfléchissait toujours.

Enfin le verdict est tombé :

« Condamné à mort et gracié à titre posthume. »

Quand la réalité rattrape la science-fiction :

L’intelligence artificielle peut-elle remplacer un procureur humain ? C’est l’objectif d’une recherche menée par des chercheurs de l’Académie chinoise des sciences. Ces derniers ont mis au point un système capable d’analyser des dossiers et de prendre la décision d’inculper une personne pour un crime qu’elle a commis.’ Lire l’article : ‘Cette IA effrayante est capable de remplacer un procureur’. Source : Cette IA effrayante est capable de remplacer un procureur (11/01/2022).