Ilya Varchavsky – L’héritier (06)

Petites nouvelles russes - Ilya Varchavsky - L'héritier - l'oeil de l'analyseur et la mouche
Une mouche posée sur l'oeil de l'analyseur

Илья Варшавский - Ilya Varchavsky
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Насле́дник - L’héritier

Шесто́й эпизо́д - Episode six

Стари́к молчи́т. Сно́ва маши́на и челове́к ду́мают ка́ждый о чём-то своём. Так прохо́дит ещё одна́ ночь. Свет но́вого дня освеща́ет уста́лое лицо́ старика́.

— Нет, — говори́т он совсе́м ти́хо, — мне не хо́чется умере́ть, не поня́в, почему́ всё э́то случи́лось.

Тепе́рь он уже́ не мо́жет выходи́ть на у́лицу. Лёжа у подно́жия маши́ны, он це́лые дни кру́тит вернье́ры приёмника. Иногда́ в тре́ске атмосфе́рных разря́дов ему́ чу́дятся голоса́, же́нский смех, му́зыка. Тогда́ он вска́кивает, прижима́я приёмник к у́ху.

— Ну как? — насме́шливо спра́шивает анализа́тор.

— Нет, показа́лось.

Оста́лось всего́ не́сколько ба́нок консе́рвов, но сейча́с э́то уже́ не име́ет значе́ния. Он зна́ет, что ско́ро умрёт.

Наконе́ц наступа́ет день, когда́ он не мо́жет дотяну́ться до приёмника. Он лежи́т на спине́, прислу́шиваясь к удиви́тельно знако́мому ти́хому зву́ку.

— Ты слы́шишь? — спра́шивает он.

— Что?

— Жужжи́т.

— Э́то галлюцина́ция, — отвеча́ет анализа́тор, — никако́го жужжа́ния нет.

Чёрная то́чка кружи́т пе́ред глаза́ми. Она́ не исчеза́ет да́же тогда́, когда́ он их закрыва́ет.

— Му́ха, ты слы́шишь? Са́мая настоя́щая му́ха!

— Чепуха́! Про́сто ты умира́ешь.

— Нет, нет му́ха, — упря́мо повторя́ет стари́к, — жива́я му́ха!

Стра́нные куда́хтающие зву́ки лью́тся из дина́мика анализа́тора. Похо́же, что маши́на смеётся. Внеза́пно э́ти зву́ки перехо́дят в исто́шный вой, заполня́ющий всё зда́ние инсти́тута.

— Не смей! — орёт дина́мик. — Не смей умира́ть. Отключи́ снача́ла меня́ от сети́! Я не могу́ оста́ться оди́н, я бою́сь!!

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Le vieil homme se tait. Encore une fois, chacun, l'homme et la machine, pense à ce qui lui est propre, jusqu’à ce qu’une nouvelle nuit s’achève. Au matin, la pâle clarté d'un nouveau jour éclaire le visage fatigué du vieillard.

-Non, dit-il en murmurant, je ne veux pas mourir sans comprendre pourquoi tout cela est arrivé.

Désormais, il n’a plus la force de sortir. Allongé au pied de l’énorme machine, il tourne à longueur de journée les boutons du récepteur radio. Parfois, dans le crépitement d’un orage, il lui semble entendre des voix, un rire de femme, de la musique. Alors il sursaute et colle son oreille contre l’appareil.

- Eh bien, dis-moi ? lui demande le Grand Analyseur d'un ton moqueur.

Rien, il m’avait semblé...

Il ne lui reste plus que quelques boîtes de conserve, mais cela n'a plus d'importance maintenant. Il sait qu'il va bientôt mourir.

Enfin, vient le jour où il ne peut même plus se déplacer jusqu’au poste de radio.

Couché sur le dos, soudain il entend comme un faible bruissement, étonnamment familier.

- Tu as entendu ? demande-t-il.

- Quoi ?

- Ce bourdonnement.

- C'est une hallucination, lui répond l'Analyseur, il n'y a pas de bourdonnement.

Un point noir tourne devant les yeux du vieil homme et ne disparaît pas, même lorsqu'il tente de fermer les paupières.

- Une mouche ! Tu entends ? Une vraie mouche !

- Tu dis n’importe quoi ! Tu es juste en train de mourir.

- Non, non ! Une mouche ! répète-t-il obstinément. Une mouche, bien vivante !

Le haut-parleur du Grand Analyseur émet un étrange gloussement. On pourrait croire que la machine s’est mise à rire. Soudain, ces sons se transforment en un cri déchirant qui se répand dans tous les couloirs de l'Institut.

- Non !!! hurle le haut-parleur. Ne meurs pas ! Ne meurs pas ! Je t’en supplie : débranche-moi d'abord ! Je ne veux pas rester seul au monde… J’ai peur, j’ai peur, j’ai PEUR...