IIya Varchavsky – L’amour et le temps (07)
Илья Варшавский - Ilya Varchavsky
Любо́вь и вре́мя
L’amour et le temps
Седьмо́й эпизо́д - Episode sept
- Отли́чно!.. Тепе́рь я объясню́ ва́шу роль.
- Слу́шаю! - сказа́л Кларне́т.
- Не перебива́йте меня́. Понима́ете ли, я живу́ в тако́е вре́мя, когда́ библиоте́к уже́ нет, одна́ маши́нная па́мять. Э́то, коне́чно, гора́здо удо́бнее, но е́сли ну́жно откопа́ть что-нибу́дь дре́внее, начина́ются вся́кие ка́зусы. Я запра́шиваю о Пастерна́ке, а мне выдаю́т каку́ю-то чушь про укро́п, сельдере́й, сло́вом, по́лный набо́р для су́па. С Бло́ком ещё ху́же. Миллио́ны вся́ких схем электро́нных бло́ков. Ведь что ни говори́, с тех пор, как они́ писа́ли, прошло́ уже́ две тыс́ячи лет.
- Ско́лько?!
Ма́ша закуси́ла губу́.
- Ну вот, я и проболта́лась! Фу, ду́ра! Тепе́рь жди неприя́тностей.
- Я никому́ не скажу́, - произнёс в благоро́дном поры́ве Кларне́т, - че́стное сло́во, не скажу́!
- Ах, как нехорошо́! - Ма́ша закры́ла лицо́ рука́ми. - Нам запрещены́ конта́кты с про́шлым. Я ведь тайко́м от всех. Да́же Фе́дю усла́ла, что́бы всё в по́лной та́йне…
- Кто тако́й Фе́дя? - Кларне́ту почему́-то не понра́вилось э́то и́мя.
- Мой лабора́нт. О́чень ми́лый па́рень. - Ма́ша опусти́ла ру́ки и сно́ва улыбну́лась. - Представля́ете себе́, влюблён в меня́ до поте́ри созна́ния, так и хо́дит по пята́м. Е́ле вы́проводила.
Быва́ют стра́нные ощуще́ния где-то там, чуть повы́ше грудобрюшно́й прегра́ды. Не то что́бы боли́т, а так, не разберёшь что тако́е. Кака́я-то непоня́тная тоска́. И о́чень ми́лые па́рни во́все не ка́жутся таки́ми уж ми́лыми, да и вообще́ вся челове́ческая жизнь, е́сли разобра́ться…
- Ла́дно! - Ма́ша реши́тельно тряхну́ла волоса́ми. - Будь что бу́дет!.. Ита́к, мне нужна́ по́мощь. Возьмёте в библиоте́ке Бло́ка и Пастерна́ка. Всё, что есть. Усво́или?
- Да, и что да́льше?
- Бу́дете чита́ть вслух.
- Заче́м?
- Ох! - Ма́ша потёрла виски́ па́льцами. - Вот экземпля́рчик попа́лся! Бу́дете чита́ть, а я запишу́. Неуже́ли так тру́дно поня́ть?
- Нет, отчего́ же, - сказа́л Кларне́т, - поня́ть совсе́м не тру́дно. Вот то́лько чита́ю я нева́жно.
- Ну, э́то ме́ньше всего́ меня́ беспоко́ит. Зна́чит, за́втра в э́то вре́мя.
Изображе́ние пропа́ло, как бу́дто кот слизну́л. То́лько что она́ была́ здесь, а сейча́с пуст экра́н, безнадёжно пуст. Исче́зло наважде́ние, сги́нуло, и всё, что оста́лось, - э́то ма́ленькая чёрная коро́бочка да мо́крый обгоре́вший стол.
* * *
- Parfait ! Je vais maintenant vous expliquer votre rôle, débuta Macha.
- Je vous écoute ! dit Clarinette, attentif.
- Et surtout, ne m'interrompez pas... Voyez-vous, je vis à une époque où il n'y a plus de bibliothèque, seulement de la mémoire stockée dans des machines. Ceci, bien sûr, est du plus pratique, mais si vous avez besoin de dénicher quelque chose de très ancien, c’est là que ça coince. J’interroge la machine sur Pasternak, et elle commence à me sortir toutes sortes de bêtises sur les navets, le céleri et l’aneth, en un mot, tout ce qu’il faut pour faire une bonne soupe¹. Avec Alexandre Blok², c'est encore pire. La machine me présente des millions de schémas de boîtiers et de blocs électriques différents. Après tout, et quoi qu’on en dise, deux mille ans se sont écoulés depuis que ces auteurs ont écrit leurs œuvres.
- Combien ?!
Macha se mordit les lèvres.
- Et voilà, j'ai trop parlé ! Fouh ! Bête que je suis ! A présent, bonjour les ennuis...
- Je ne répéterai ça à personne, lui certifia Clarinette dans un noble élan. Je le jure : je n’en dirai pas un mot !
- Oh, que c'est mal parti ! Macha couvrit son visage de ses mains. Nous n’avons pas le droit d’entrer en contact avec le passé. J’agis à l’insu de tout le monde. J’ai même congédié Fédia pour que tout reste secret...
- Qui est Fédia ? Pour une raison quelconque, Clarinette sembla ne rien trouver de beau à ce prénom.
- Mon assistant. Un type très sympa. Macha retira les mains de son visage et sourit à nouveau. Imaginez donc : et amoureux à en perdre la tête, toujours derrière moi, comme un toutou. J’ai dû presque l’envoyer balader...
Il arrive qu’on ressente des sensations bizarres quelque part, là, dans la poitrine, juste un peu au-dessus du diaphragme. Ce n'est pas que ça nous fasse mal, non, mais on n’arrive pas à saisir ce que c'est. Une langueur, un sentiment incompréhensible. Et alors des gars habituellement gentillets ne paraissent plus si gentils du tout, et même ainsi, par là, toute la vie humaine…
- D’accord ! Macha secoua résolument sa chevelure. Advienne que pourra ! De toute façon, j'ai besoin d'aide. Vous vous rendrez dans une bibliothèque et prendrez tout Blok et tout Pasternak. Tout. Vous avez compris ?
- Oui, et ensuite ?
- Vous me les lirez à haute voix.
- Pour quelle raison ?
- Eh bien ! Macha se frotta les tempes. Voyons, ne faites pas le bête ! Pendant que vous lirez moi j'écrirai. Est-ce vraiment si difficile à saisir ?
- Non, pourquoi ? dit Clarinette, ce n'est pas du tout difficile à saisir... C'est juste que je ne sais pas si je saurai bien lire à haute voix.
- Eh bien, c'est le cadet de mes soucis. Donc rendez-vous demain, à la même heure...
L'image avait disparu, comme le chat du Cheshire aux yeux d’Alice³. Un instant avant, la fille était là, et à présent l'écran était vide, désespérément vide. L’hallucination avait disparu, le rêve s’était envolé. Et tout ce qui restait à notre héros était un petit boîtier noir posé sur une table à moitié calcinée et encore tout humide.
* * *
1- Boris Pasternak (Борис Леонидович Пастернак), 1890-1960, est bien entendu le nom du prix Nobel de littérature, auteur du célèbre roman ‘Le docteur Jivago’ (Доктор Живаго) mais ‘pasternak’ en russe a d’abord le sens commun de ‘panais’ (une sorte de navet).
2- Alexandre Blok (Александр Александрович Блок), 1880-1921, est un grand poète russe, auteur, entre autre, du poème ‘Les douze’ (Двенадцать).
3 - Précisément, le texte russe emploie l’expression : ‘comme si le chat avait léché [tout le lait]’ sans que l’auteur ne fasse ici nulle référence aux personnages de Lewis Carroll.